" La Modulation " Poème de Martine Biard

Publié le 19 Avril 2011

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Martine Biard est une écrivain toulousaine, issue de deux mondes culturels, l'occitan et le catalan. Son écriture s'exprime dans plusieurs genres: poétique, romanesque, historique et spirituel. Elle est notamment l'auteur d'un cycle romanesque, d'un recueil et d'une anthologie personnelle de poésie (1977-2007), et de témoignages spirituels. Ancienne élève de khâgne, elle est devenue enseignante après une spécialisation en histoire moderne et en poésie contemporaine. Ancienne formatrice en communication, elle poursuit aujourd'hui une activité de conférencière. Son livre Le Bestiaire charnel a obtenu la Reconnaissance Littéraire francophone au XVIIIe Concours international 2010.

 


 

La Modulation

À Thélyson Orélien

 


Au pas de Lune des cités, nous dormions à genoux
Et partagions nos ombres dans d' étranges éclats.

Il fut un temps de sommeil gris et d' orages serrés
Au creux de nos paupières
Pour encercler le vide et revêtir la Nuit
Qui enchanta sa silhouette.

Le temps n' avait plus de sommet
Quand à décupler les chiffres,
Nos ombres même se sont perdues.

Au loin, l' une sacrifiait déjà au Nombre d' or
L' autre à la main de feu.

Nous retenions nos pas, nous n'osions plus souffler.
En deça de la rampe, la faim nous suspendait
De son regard étrange.

Rêvant la Foi et professant dans la fourrure,
On nous signifia bientôt l' épée qui émoussa notre repos.

Nous perdions nos autels et consumions des mots.

Il nous fallut des vivres, on nous donna des sources.
Nous détestions les bornes.
Nos forces se figèrent au tranchant de nos haches,
Mais les mobiles de nos ardentes colorations
En avaient oublié d' hanter la forme.

Le cristal nous brisait à fracasser des transparences.

Dans l' immensité blanche, c' était encore la mer qui nous peuplait.
Un grand vent nous possédait, dénombrant nos absences.

Au centre d' un baiser dont les haubans confondraient
Le somptueux et les esprits du Diable,
La Terre s' ouvrit sur un mauvais silence.

Nous bâtissions sur des mélanges et de la pierre usée
Par delà les grilles, le cliquetis des métaux
Ou les égarements de nos débris salés.

Il nous fallait bien tout rompre
Au hennissement d' un jour qui nous hissa
Plus solides que le marbre, plus tranchants que la lame
Pour chercher d' autres lignes où retenir nos fulgurances.

C' est une ombre très vive qui vint nous révéler
Et aspirer le miel au seuil de nos demeures.

Nous avons fini sève pour avoir été feu
Dans un trop grand hiver
Dans un trop long silence.

Nous projetons le flambeau d' un ange
Et sommes repartis pour confondre nos traces.

Aujourd'hui, je recomptes les pas que nous faisions ensemble
Sur les places et arcades au soleil lourd des mots invraisemblables
De neige sur le sable
Ou de Lune à midi,
Et c' est un escalier que grave l' horizon.


Martine Biard


  Extrait du recueil de poèmes du même nom LA MODULATION
                ( FRANCE. La Franqui 1990- Lunel 1995 )

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  in " L' Autre visée de monde " p 110 à 112

Anthologie poétique - personnelle - 1977-2007
Edilivre.com / Editions Aparis-Edilivre, Paris, mai 2010.

Rédigé par Parole en Archipel

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