Mario Vargas Llosa, René Depestre: d'étranges similitudes

Publié le 14 Octobre 2010

L'écrivain haïtien Jean-Robert Léonidas nous écrit

  

Par Jean-Robert Léonidas (Écrivain)

  

A suivre le parcours du nobélisé Mario Vargas Llosa (MVL), on est vraiment frappé par une certaine similitude qui se faufile entre lui et un autre écrivain de carrière dont la vie a présenté des chapitres d'une analogie saisissante. Il s'agit de l'haïtien René Depestre (RD).

 

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DR
Jean-Robert Léonidas
 

J'ai été frappé par le mariage de M.V. L avec sa tante, ce qui a donné lieu au roman «la Tante Julia et le scribouillard». Connaissant un peu l'isolement qu'impose le métier d'écrire, il ne m'est pas du tout difficile d'imaginer ou de prétendre saisir le scénario. Il est vrai que RD a seulement écrit avec adresse et émerveillement à propos d'un fabuleux rapport génésique entre un neveu et sa tante à Jacmel, son lieu de naissance, allusion faite à son roman «Alléluia pour une femme-jardin». On peut toujours dire qu'il s'agit là d'une invention de romancier. Mais là où celui-ci a peut-être rêvé, celui-là est passé par une expérience existentielle, un phénomène conjugal inhabituel par la proximité consanguine des intéressés, courageusement légalisé, ratifié par le mariage. Je demande pardon à MVL sur qui je suis en train de pérorer, mais son œuvre comme sa vie est devenue un roman...

 

Comme René Depestre, Mario Vargas Llosa a flirté pendant longtemps avec le mouvement castriste avec certainement des questionnements de parcours, des distances prises, jusqu'à ce que, arrivé à un point de rupture, la séparation soit devenue nette. Est-ce l'artiste chez eux qui ne tolère point les rigidités idéologiques, les orientations trop verticales ou trop horizontales selon le point de vue , en tout cas unidirectionnelles pour parler comme certains? Leur «culture de droite» s'accommode-t-elle peu de la «morale de gauche» trop exigeante pour eux? La vie est-elle plus nuancée que cela et faut-il demander au philosophe André Glücksmann de trancher (quoiqu'il ne soit pas nécessairement mon modèle) : Etre exclusivement de droite ou exclusivement de gauche, c'est se condamner à une hémiplégie morale?

 

Mario Vargas Llosa a eu ses engagements politiques et avait voulu briguer sans succès la présidence du Pérou. René Depestre était engagé politiquement dans son jeune âge et avait voulu avec d'autres jeunes de l'époque changer le cours de la politique de son pays, Haïti, il y a plus de soixante ans. Voulait-il plus que cela? Je ne crois pas qu'il existe aucun engagement politique bien assis qui sous le châle ou de façon obvie ne vise pas le pouvoir suprême.

 

La politique et la littérature ne font pas toujours bon ménage chez le seul et même individu. Les deux hommes sont peut-être des politiques insatisfaits, les deux sont deux grands écrivains dont le parcours suscite un rapprochement dans l'esprit des observateurs, du moins dans le mien. Les deux sont des habitués des prix littéraires. Mario Vargas Llosa vient de décrocher le Nobel 2010.

 

 

Comme j'eus à le dire ailleurs :

 

« Il y a ceux qui frappent l'imagination par leur vie et les zigzags dans leur engagement. Il y a ceux plus linéaires qui maintiennent leur vecteur selon une orientation majeure. Il y a ceux qui, des deux côtés, tout en suscitant le débat, consacrent leur vie à la littérature. Et c'est primordialement cet acharnement indéfectible à l'écriture que personnellement je vis de l'intérieur et que je veux ici saluer, tout le reste étant misère, inévitable questionnement, par conséquent matrice littéraire et rédemption...»

 

Jean-Robert Léonidas (écrivain)

 


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René Depestre
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« La Tante Julia et le scribouillard » 
Mario Vargas Llosa
Albert Bensoussan
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Rédigé par Parole en Archipel

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