Thélyson Orélien nous offre la nudité du verbe, avec une douceur de ton et de forme
Publié le 17 Décembre 2011
Collection Tremplin
ISBN : 978-2-81215-907-7
Prix public : 12,50 euros
Format : Relié
Nombre de pages : 76
« Je ne suis
Que moi-même
Ne suis que rien
Un homme à l’envers
Un monde à l’envers dévirginé »
Thélyson Orélien nous offre la nudité du verbe. A prendre ou à laisser. Avec une douceur de ton et de forme il nous emmène à travers les courants, les déliés, les vides et les pleins du corps sublimé, du corps astral, austral, magnétique. Magique ? Un corps qui :
«avait la forme de mes bras
l’espace de mes yeux ».
Il nous entraîne dans un voyage immobile mais (in)augural.
« Et nous avons fait l’amour
jusqu’au verso du temps ».
C’est bien de l’amour qu’Orélien nous parle. Et de lui. Il sait que l’amour comporte des risques, des écueils et des revirements. Il sait bien que l’amour est une substance qui peut brûler l’esprit aussi sûrement que l’eau enflamme le sodium. Et pourtant il franchit le pas, se jette à l’eau et nous lance ses vers comme des étincelles du milieu de l’océan. Sa marche nue dans la lumière de cet amour n’est pas un choix, mais une nécessité. L’homme n’a pas le pouvoir de décider, comme les loups il suit son instinct. Il n’y a ici ni bien ni mal mais seulement l’évidence de l’action associée à la volupté de la pensée.
Il nous dit son désarroi face à la solitude, à l’absence de l’être aimé, et aussi à l’absurdité de n’être qu’une goute de chair éperdue à la conscience du vide. Il nous rappelle la perte originelle qui sépare les sexes et les enferme arbitrairement. Il y a la blessure de celui que l’esseulement fait replonger dans la douleur et la mélancolie plus profondes de la séparation irrémédiable qui l’a vu naître homme. Cette coupure franche qui nous fait passer de l’indistinct à l’individu. D’un monde à l’autre, avec un aller simple. Ce que les mots s’évertuent à découvrir :
« comme une courte
et assourdissante folie »,
c’est bien le mystère du temps, le mystère du silence indissociables de l’absence. Du vide. Tel un mystique sans confession, sans plus d’attache, avec toujours au premier plan cet amour, l’ancien amour, qu’il croit étoile du berger à même de guider ses pas mais qui s’avère étoile filante ne laissant derrière elle qu’un sillage de soufre et la douleur au ventre. Puis le creusement, l’affouillement de cette douleur jusqu’à atteindre la perle noire au centre pour :
redire l’aveu
l’abime
ou la spirale de l’extase
dans le vide prononcé ».
Déconstruire chaque parcelle de sentiment pour de ses infimes réminiscences espérer refaire exister l’être aimé. Recréer le présent de l’amour, cet Eden d’où il a été chassé sans crier gare « pour un débris de pain frileux ».
Mais il n’est pas dupe. La douleur aiguise l’intellect. Il grandit. Il sait intimement qu’à défaut, ses poèmes de l’absence lui serviront tôt ou tard à conjurer un nouvel amour.
Dans l’écriture d’Orélien il y a le souffle et le rythme, le savoir intime du rythme. La maîtrise des espaces de silence qui fondent les mots et les vers. Ces vides et ces absences sont à lire au même titre. Ils font écho à ce vide existentiel et pour cela constituent parfois le cœur du poème. De la faille séparant deux versets surgit un autre poème non dit, non verbal, plus grave et plus profond, venu du lointain du songe ou de l’inconscient. A nous d’en percevoir les formes dans la transparence. Le poète nous convie parfois à un tango, comme il le dit, mais plus souvent au rythme du kompa ou de la musique racines de son pays. Il y a la mélancolie des corps qui chaloupent nonchalamment pour oublier tout ce que la vie apporte de privations. Le « rythme fatigué de la main », comme il est annoncé dès le premier poème. Une main qui de crainte de tout perdre, de se perdre, s’efforce « de tout écrire / de tout produire », jusqu’à l’épuisement.
Le poète nous montre la lumière. Dans un pays qui ne finit pas d’en baver au rythme des séismes, des cyclones et des dictateurs, dans un pays où manger est pour beaucoup une activité moins que quotidienne, dans un pays où l’idyllique beauté semble tromper si sûrement les hommes, la vie ne pourra malgré tout être complètement éradiquée.
Dans un pays blessé, écorché, aux chairs encore béantes, il reste place pour l’humanité. Et pour l’amour.
Les poèmes de Thélyson Orélien déshabillent l’âme d’une certaine liberté.
Arnaud Delcorte,
Pennsylvanie, Septembre 2010
Paris, le 18 avril 2011
Note de lecture : " Poèmes déshabillés suivi de Fragments de voix " de Thélyson Orélien
Tenté par l’hermétisme, le recueil "Poèmes déshabillés suivi de Fragments de voix" de Thélyson Orélien porte néanmoins une parole forte, resserrée, qui vise juste et souvent fait mouche « L’écriture / Si cruelle des fois / ne s’écrit / Qu’à stylo de sang / Elle n’habite que l’air / Et valse avec la compréhension dérobée », page 8. Poèmes d’amour, poèmes sensuels qui exigent d’autant plus de maîtrise qu’ils expriment l’étendue « Ton corps / Avait la forme de mes bras / L’espace de mes yeux », page 15. La préface signée Arnaud Delcorte relève la proximité du physique, du charnel même, et du métaphysique qu’on retrouve constamment liés :
Bruno Doucey, éditeur
Rassembleur de vie et de voix Thélyson Orélien est né aux Gonaïves en Haïti et habite à Montréal. Prix International Jeunes Auteurs pour Les couleurs de ma terre in poésie et prose poétique publié aux Éditions de l’Hèbe en suisse et Finaliste du Prix Arthur Rimbaud de la Fondation Émile Blémond de la maison de poésie de Paris, pour l’Ombre qui colle à mes pas. Il fait des études bidisciplinaires en économie et politique à la faculté des arts et des sciences de l'Université de Montréal et continue à écrire la nuit. Il a publié Poèmes déshabillés suivi de Fragments de voix en 2011. Thélyson Orélien a participé dans plusieurs revues et ouvrages collectifs en Haïti, en France, en Suisse, en Belgique et au Québec. Il travaille désormais sur son premier roman pour donner enfin une mémoire à l'oublie.