Le Psychopate

Publié le 11 Août 2010

 PSYCHOPATE

 

 

                                    

Nous publions " Psychopathe " ce texte paru dans l’anthologie “ Ancre des dattes ” pour rendre hommage à Schélomi Lacoste, Poète et Nouvelliste de la nouvelle génération d'écrivains haïtiens. Ancien rédacteur en chef du journal LE LAMBI du Collège Immaculée Conception des Gonaïves. Lauréat  des concours de la Faculté des Sciences Humaines (FASCH) de l’Université d’Etat d’Haïti, et du Centre des Téchniques de Planification et d'Economie Appliquée (CTPEA). Succombé comme marthyr au tremblement de terre qui a écrasé la Capitale haïtienne.

 

Par Schélomi LACOSTE

 Poète et Nouvelliste 

"Monsieur Riffin, il vous reste vingt-quatre heures à vivre. L'exécution est prévue pour seize heures, demain.Je vous apporte un stylo et du papier pour écrire vos dernières volontés. Le prêtre passera dans trois heures, si vous avez besoin de quelque chose, n'hésitez pas à m'appeler" 

Le gardien referma la porte de la cellule et s'éloigna. Il y laissait un homme recroquevillé dans un coin. Il s'y était blotti pour éviter les rayons gênants du soleil. Riffin rampa et ramassa la plume ainsi que le papier que le gardien avait jeté par terre. Il écrivit en lettres capitales:  " A MA FILLE", s'arrêta puis recommença: " Hélène, tu avais raison, je suis un monstre. Je le suis, mais je n'ai pas honte. Car, après tout, il en faut des monstres dans ce monde. Lorcequ'on m'a apporté ce papier pour écrire mes dernières volontés, je me suis souvenu que j'avais mis au monde une fille, même si c'était involontaire. Car, en violant ta mère, je ne me doutais pas que mon forfait laisserait autant de traces. Je ne vais pas tenter de me justifier à tes yeux. Je veux juste te faire part des derniers sentiments qui m'habitent. La vie est courte, je m'en rends compte aujourd'hui. Tu n'as aucune idée de celle que j'ai menée; j'ai eu de l'argent à en devenir fou. J'ai fait de l'amour presque chaque jour. J'ai tué des gens comme on tue des mouches. J'ai vécu. Ah ! ça oui ! Ce n'est pas que j'ai peur de mourir, mais je réalise que ma la vie est une belle merde, une merde que j'aurais aimé vivre plus longtemps. A quarante-cinq ans je suis trop jeune pour mourir; mais le juge a trouvé que j'étais trop vieux pour la prison à vie, il a préféré le peloton d'exécution. Ai-je raté quelque chose durant mon existance ? Je ne crois pas. J'ai vu tout ce qui était visible, entendu tout ce qui était audible et sondé tout ce qui était sondable. Quant à la chose que les imbéciles appellent l'amour, je peux te dire ceci : c'est un mythe qu'ont créé les hommes pour rendre leur vie moins ennuyeuse. ça n'existe pas. Toute relation entre un homme et une femme repose sur un intérêt quelconque. Crois-moi, j'en ai connu des femmes dans ma vie, les unes plus belles que les autres, les unes plus putes que les autres, aucune ne m'a jamais totalement satisfait. Aucun homme ne te suffira pleinement. Pourquoi ne me suis-je pas marié ? Peut-être parce que j'aurais trop fait souffrir celle qui aurait été assez dingue pour être ma femme. Ou peut-être que je suis l'un des rares hommes à avoir compris que les époux sont deux " cons joints ".

 

Je n'ai eu qu'une seule femme : mon fligue. La vie est un jungle, soit on mange, soit on est mangé. Je crois que j'ai bouffé trop de vies, et elles en veulent à mon karma. Tu crois que j'irai en enfer ? C'est impossible puisque j'y ai déjà vécu. Nous les hommes, nous créons nos paradis et nos enfers. Le diable, s'il existe , crois-moi, c'est le pouvoir. J'ai créé mon paradis, j'en ai profité autant que je pouvais ; si je dois aller faire un tour en enfer, ce ne sera pas si dur que ça.J'irai, je visiterai. Quelques blagues avec Lucifer et le tour sera joué !

 

Bref, c'est pour te dire ma fille que tout ce charabia, les hommes l'ont imaginé, et à force de les reépéter, ils ont fini par y croire. Dieu existe, mais c'est un gamin qui joue fourmilière. J'ai tué parce que je voulais tuer, personne ne m'a forcé au meutre. Tu ne peux pas savoir ce que je ressenti en commetant mon premier crime ; j'étais fier, j'avais la sensation d'être utile à l'humanité, d'avoir posé un acte que seuls les vrais hommes sont capables de faire : j'avais le pouvoir d'ôter des vies. Tous ceux que j'ai tués méritaient la mort. Je n'ai pas tué pour de l'argent, car l'argent ne me satisfait qu'en partie. J'ai tué pour l'émotion; il en faut des couilles pour appuyer sur gachette. Je n'ai aucun remords. Seuls les assasins en ont. J'ai pris goût à chaque minute de ma vie, chaque seconde m'a été un plaisir. Pourtant je n'ai qu'un seul regret, c'est que tu ne m'aies jamais compris. Tu n'as jamais voulu voir en moi le génie que j'étais, l'artiste de la mort. Il fallait débarrasser ce monde de certains êtres qui le polluaient, je m'étais donné cette mission, j'ai fait tout monpossible pour la remplir, tu ne peux pas m'en blâmer. J'ai donné un sens à ma vie, un but, une direction. Si tu t'étais mise en opposition à ma mission, je t'aurais tuée. Sans regrets. Pour le commun des mortels, mon exécution serait une punition, mais ils ne pourront jamais me punir plus que je me suis puni moi-même.

 

Ma mort sera ma liberté, car l'homme naît et vit en esclavage. Je m'en vais le coeur léger, espérant que, même si tu me hais, tu garderas une image propre de l'homme qui n'a été ton père que sur un bout de papier. Ne viens sur ma tombe que lorsque tu auras compris ma vie et réussi la tienne. Ma vie a été parfaite, à contresens, mais parfaite. Je suis une légende, ne meurt jamais..."

 

André Riffin plia le papier et le baisa. Il entendit des pas qui se rapprochaient de sa cellule. Quelques secondes plus tard, la porte s'ouvrit; le gardien réapparait avec un curé d'une trentaine d'années.

 

- Monsieur Riffin, enchaîna le gardien, voici le Père Pillard, il est disposé à vous confesser et à vous administrer le viatique.

- Il peut s'approcher, répondit Riffin.

- Bien, je vais rester le temps de votre entrevue. Je garde l'oeil ouvert, Riffin, ne tentez pas un mauvais coup.

- T'en fais pas , Silas, je ne vais pas dévorer ton moine, s'il veut causer, il peut.

 

Le prêtre s'assit en face du condamné et commenca :


- In nomines Padre et Filli et... (c'est du latin)

- Ecoutez, mon Père, je n'ai rien contre vos balivernes mais je n'ai pas l'éternité devant moi ; alors si vous pourriez abréger vos trucs, ça ma ferait grand plaisir.

- D'accord, mes questions seront courtes. Croyez-vous au pardon ?

- Bien sûr ! Du moment que ce n'est pas moi qui pardonne.

- Je vois. Lisez-vous la bible ?

- La bible est un roman d'une rare qualité littéraire, losrque je m'ennuie j'y jette un coup d'oeil. 

- Qu'est-ce que vous avez contre Dieu ?

- Je n'ai rien contre Dieu, Seulement j'aurais préféré que le Christ soit une femme.

- Et pourquoi cela ?

- Quoi ! une fille au milieu de douze mecs. Ils l'auraient déchiquetée !

 

Le curé se leva sans dire mot et demanda au gardien de le raccompagner. Riffin, lui, se tordait de rire, c'était le dernier gag de sa vie. Il avait remis au gardien le papier destiné à sa fille. Il était vingt heures, c'était l'heure de dormir. Riffin, seul danss sa cellule, se déshabilla; il commença à se masturber, pour une toute dernière fois... Le lendemain matin, le gardien ouvrit la porte de la cellule pour appoter son déjeuner au prisonnier, il y découvrit Riffin, pendu au plafond, tout nu, un lacet de chaussures au cou.

 

 

Schélomi LACOSTE

Rédigé par Parole en Archipel

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